« Théorie de la crétinisation générale » de M. André-Paul Mosco, musicien et intermittent du spectacle, directeur de la troupe « Le Petit Banana Slip Théâtre » à Troyes (10), du 6 novembre 2001.
Un drame de la bêtise :
La disparition des dinosaures est une leçon historique et sociétale d’ampleur qu’il est extrêmement regrettable que le gouvernement actuel refuse d’examiner. On le sait depuis les études de Ladislas Krobka (« Les cons, premiers contacts », 1963, Éditions de la branche sur laquelle) que toute société qui se refuse à développer la culture, notamment par l’encouragement, la pratique et la diffusion des arts vivants, et notamment le spectacle, et notamment le théâtre d’avant garde et de création, est vouée à s’éteindre, confite dans morbidité.
N’ayant constitué aucune réelle coordination, étant au mieux constitués par troupeaux informels quoique non fédérés, les dinosaures, majoritairement herbivores –pour ne pas dire bovins- se sont refusé par laxisme tout investissement social et collectif dans la création artistique. Occupés, prétendaient-ils à s’alimenter, à brouter, ne voulant considérer que les actions relevant du paradigme utilitariste, les dinosaures indifférents au sens général progressiste et libérateur de la quête artistique ont été leur propre victimes. Croulant sous la masse de leur corps chair, ils ont aussi péri sous le poids de leur stupidité conceptuelle, le corps creux, le corps ectoplasmique de l’atonie culturelle. De génération en génération, la notion même de culture leur est devenue étrangère au point que vers la fin des soixante cinq millions d’années, ils n’avaient plus même conscience de l’éventualité de toute proposition intellectuelle, et encore moins scénographique. Mâchant et digérant toujours le même programme naturellement offert –à savoir les nourritures terrestres (et l’on sait où peut mener le concept de nature s’il est trop plaqué sur la doxa présidant à la vie de la polis)- l’individu saurien ré-préhistorisé n’a plus été que ravalé qu’au rang, on me pardonnera l’expression, de crétin. Incapable de se projeter au-delà d’un réel purement protéinique, la masse dinosaurienne confondue s’est effondrée sur elle-même, asphyxiée par le vide sidéral et sidérant, sinon sidératif, de l’inanité intellectuelle. Il est affirmé que cette extinction par sidération entropique des dinosaures, ainsi due à une a-capacité à transmettre, savoir et savoir-faire au corps social devrait être la base de toute réflexion sur les devenir de notre société qui piétine allègrement les chapitres 8 et 10 du protocole des intermittents. Vouloir faire disparaître les arts vivants en renouvelant d’une lippe molle les erreurs du passé, renvoyer le statut en assimilant ses bénéficiaires à l’éther d’un vague stade proto-dinosaurien n’est que la traduction de la vaste entreprise de dépeçage du bien commun menée actuellement par la société marchande et patronale. Sur la terre jonchée de cadavres acculturés, seul le règne des reptiles volants béats de prédation a pu jadis perdurer. Nous posons la question : est-ce ce monde là, ce monde d’extinction, sans rire, sans joie que nous voulons offrir à nos enfants ? Un monde pathos où ce serait la fin dès le début ?